La fabrique du parc – épisode 4

ÉPISODE 3 : LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE ET LA RENATURATION DU COURS D'EAU

Le cours d’eau des Aygalades, second fleuve côtier de Marseille, sillonne le Nord de la ville. Long de 17 km, il trouve sa source dans le massif de l’Etoile, sur la commune de Septèmes-les-Vallons, et se jette dans la mer à proximité de la tour CMA CGM, sur le secteur Euroméditerranée 1. Longtemps oublié, ce cours d’eau pollué et en grande partie canalisé fait l’objet d’un projet de restauration écologique et de renaturation. Celui-ci est porté par Euroméditerranée dans le cadre de la création du parc du ruisseau des Aygalades, qui ouvrira au public dans quelques années, mais aussi dans le cadre du projet de parc Bougainville dont une première phase a été livrée en 2023. 

Ce cours d’eau est géré depuis septembre 2021 par le syndicat mixte EPAGE HuCA[1] pour le compte de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Quel est l’état actuel du cours d’eau ? Quels sont les défis et enjeux autour de sa renaturation et de sa restauration écologique ? Quelles actions mettre en place et pourquoi ? Découvrons ensemble l’histoire et l’état du ruisseau ainsi que les actions menées en faveur de sa restauration et de sa renaturation. 

Le syndrome des rivières urbaines : un cours d’eau anthropisé et dégradé par la pollution  

Les conclusions du diagnostic réalisé en 2017 par l’IMBE[2] et commandé par Euroméditerranée ont montré que les Aygalades souffrait du « syndrome des rivières urbaines », un phénomène que l’on retrouve fréquemment en milieu urbain où les cours d’eau sont soumis à de nombreuses pressions (rejets polluants, déchets, canalisation, imperméabilisation…) et connaissent une dégradation plus ou moins importante de leurs qualités écologiques[3]. Ce diagnostic a été réalisé en collaboration avec le Bureau des guides[4], qui a remonté l’intégralité du cours d’eau à pied pendant deux jours avec des scientifiques de l’IMBE.

Photographie prise lors du diagnostic en 2017. 
Source : Euroméditerranée

Les Aygalades est un cours d’eau anthropisé modifié, ce qui signifie qu’il a subi de nombreuses transformations pour faciliter les activités humaines. C’est particulièrement le cas entre les stations du métro Gèze et Bougainville où le cours d’eau a été canalisé, c’est-à-dire bétonné, et parfois enterré au moment de l’extension du métro de la ligne 2 jusque Gèze[5]. Par ailleurs, l’eau a une qualité fortement dégradée par des substances toxiques (chrome, plomb, aluminium…) induisant une pollution métallique et déstabilisant son équilibre écologique du fait des activités industrielles actuelles et passées à proximité.  Cette pollution est accentuée par la bétonnisation des berges qui limite les capacités d’auto-épuration[6] du cours d’eau causant la propagation des polluants dans l’eau et in fine dans la mer et les nappes phréatiques.

Photographie des Aygalades en milieu urbain. 
Source : Euroméditerranée.

De plus, la source du cours d’eau est située dans le périmètre de la carrière Lafarge qui en intercepte les écoulements et gère le débit du ruisseau, dans le cadre de son autorisation d’exploitation. Ce mode de fonctionnement impacte le régime naturel du ruisseau et sa biodiversité, en chassant certaines espèces d’invertébrés, car l’écoulement est irrégulier et parfois trop abondant[7]. L’enjeu à ce jour est de mieux répartir le débit d’écoulement tout au long de l’année afin d’apporter un soutien d’étiage[8] en période estivale.

Pour ces multiples raisons, les Aygalades connait une très forte réduction de sa biodiversité mis en lumière par le diagnostic de l’IMBE. En aval du cours d’eau, la biodiversité est impactée de manière conséquente par la pollution. Parmi la faune et la flore qui ont été étudiées lors du diagnostic, il a essentiellement été observé des espèces résistantes aux polluants ou à des taux élevés de nitrate. La présence d’espèces exotiques invasives y a également été relevée[9].

Quelles pistes d’actions pour restaurer et renaturer le cours d’eau ? 

La restauration écologique et la renaturation du cours d’eau sont deux processus complémentaires destinés à réaménager des espaces naturels dégradés et anthropisés dans le but de désartificialiser ces espaces et de valoriser leurs qualités écologiques. La restauration écologique agit sur le rétablissement d’un bon état écologique et de la biodiversité du milieu naturel dégradé[10], tandis que la renaturation désigne l’action de réduire l’empreinte humaine, d’apporter davantage de nature[11]. La renaturation peut notamment consister à désimperméabiliser et végétaliser un espace et se rapprochant le plus possible de son fonctionnement initial. 

Le processus de renaturation démarre par une phase de conception qui permet d’étudier le cours d’eau sur ses portions naturelles pour comprendre son fonctionnement sans intervention humaine et la composition de son lit –le lit correspondant à l’espace occupé par le cours d’eau lors de son écoulement habituel ainsi qu’en période de crue. Cette étude permet de définir les éléments (pierres, végétaux…) à apporter pour former le nouveau lit du cours d’eau. 

La phase de travaux et de mise en œuvre qui intervient à la suite peut prendre différentes formes selon les contextes. Une première solution consiste à renaturer le cours d’eau en gardant son emplacement initial, il s’agit de la solution permettant de rétablir au plus juste le fonctionnement habituel et historique du cours d’eau. Cependant, elle est également la plus difficile à mettre en place car elle oblige à réaliser des travaux tout en garantissant l’écoulement habituel du ruisseau sans en altérer sa qualité. Pour ce faire, le cours d’eau peut être temporairement dévié ou canalisé, le temps des travaux. C’est ce qui sera réalisé dans le cadre de la phase 2 de l’aménagement du parc de Bougainville par lequel le ruisseau passe d’ores et déjà. Plus concrètement, les murs et le fond en béton qui canalisent actuellement le ruisseau seront démolis. A la place, ce sont les végétaux identifiés lors de la phase de conception qui seront plantés pour renaturer le lit et les berges. Ces berges seront à la fois un refuge de biodiversité mais formeront également une zone tampon capable d’absorber les pollutions du ruisseau. 

Image de synthèse issue du projet d’aménagement du parc Bougainville. 
Source : Euroméditerranée. 

Une deuxième solution consiste à dévier le cours d’eau. C’est la solution qui a été retenue dans le cadre du futur parc du ruisseau des Aygalades puisque le cours d’eau coule actuellement sous le métro entre les stations Gèze et Bougainville. Les travaux de renaturation (plantation de végétaux notamment) auront lieu au futur emplacement du ruisseau dans l’enceinte du parc des Aygalades. 

Carte du ruisseau des Aygalades (la partie pointillée représente le tronçon canalisé et enterré sous le métro de la ligne 2). 

Ces opérations de renaturation permettront de créer une continuité écologique entre le parc Bougainville et celui du ruisseau des Aygalades. Ces transformations permettront également une meilleure gestion du risque inondation, le parc ayant été imaginé comme une zone d’expansion de crues grâce à la désimperméabilisation des sols. Au-delà des enjeux de préservation de la biodiversité et de qualité des eaux, les actions de renaturation sont nécessaires dans le contexte de changement climatique actuel. Une fois renaturé, restauré et découvert, les habitants du territoire pourront profiter de ses capacités rafraîchissantes lors d’épisodes de fortes chaleurs. Peut-être même sera-t-il possible de s’y baigner un jour ? C’est en tout cas un souhait qui a été partagé par de nombreux habitants lors de la concertation pour l’aménagement du parc du ruisseau des Aygalades, bien que cela ne soit pas possible pour l’instant. 

 Sources 

[1] Etablissement public de gestion des eaux – Huveaune Côtiers Aygalades, anciennement Syndicat de l’Huveaune. 

[2] Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale. 

[3] « Le ruisseau des Aygalades, un exemple d’écosystème urbain malade avec Evelyne Franquet », IMBE TV. Source : https://www.youtube.com/watch?v=vdcyt21ap1E

[4] Le Bureau des guides est une association qui organise des activités culturelles et des randonnés sur le GR2013, un sentier de randonnée qui parcourt la métropole Aix-Marseille-Provence. L’association a mis en place plusieurs activités en lien avec le ruisseau des Aygalades, et a participé au diagnostic en y apportant une dimension culturelle et sensible. Source : https://bureaudesguides-gr2013.fr/les-aygalades/

[5] « La fabrique du parc : épisode 1 », Euroméditerranée. Source : https://espaceparticipatif.euromediterranee.fr/blog/2514/la-fabrique-du-parc-episode-1

[6] L’auto-épuration désigne l’« ensemble des processus biologiques, chimiques ou physiques permettant à un écosystème [aquatique] […] de transformer lui-même les substances le plus souvent organiques qu’il produit ou qui lui sont apportées de l’extérieur. […] L’auto-épuration est limitée : si les rejets concentrés de matières organiques dépassent un certain seuil, la capacité d’auto-épuration naturelle est dépassée et la pollution persiste ». Source : https://www.eaufrance.fr/glossaire/auto-epuration

[7]  « Le ruisseau des Aygalades, un exemple d’écosystème urbain malade avec Evelyne Franquet », IMBE TV. Source : https://www.youtube.com/watch?v=vdcyt21ap1E

[8] Etiage désigne le niveau le plus bas des eaux d’un cours d’eau, généralement observé en période de sécheresse ou en été, quand les précipitations sont rares. Dans cette phrase, soutien d’étiage signifie des actions ou mesures prises pour maintenir ou améliorer le débit minimal d’un cours d’eau pendant ces périodes de basses eaux, afin d’éviter qu’il ne sèche ou ne cause des problèmes écologiques.

[9]« Le ruisseau des Aygalades, un exemple d’écosystème urbain malade avec Evelyne Franquet », IMBE TV. Source : https://www.youtube.com/watch?v=vdcyt21ap1E

[10] « Restauration (écologique, hydromorphologique) », Géoconfluences. Source : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/restauration-ecologique

[11] « Renaturation », Géconfluences. Source : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/renaturation